Mais vous qui répandez tant de jour sur mon âme, Vous qui, depuis douze ans, tour-à-tour ange et femme, Me soutenant là-haut ou m'aidant ici-bas, M'avez pris sous votre aile ou calmé dans vos bras ; Vous qui, mettant toujours le coeur dans la parole, Rendez visible aux yeux, comme un vivant symbole, Le calme intérieur par la paix du dehors, La douceur de l'esprit par la santé du corps, La bonté par la joie, et comme les dieux même La suprême vertu par la beauté suprême ; Vous, mon phare, mon but, mon pôle, mon aimant ! Tandis que nous flottons à tout événement, Vous savez que toute âme a sa règle auprès d'elle ; Tout en vous est serein, rayonnant et fidèle, Vous ne dérangez pas le tout harmonieux, Et vous êtes ici comme une sphère aux cieux 1 Rien ne se heurte en vous ; tout se tient avec grâce ; Votre âme en souriant à votre esprit s'enlace ; Votre vie, où les pleurs se mêlent quelquefois, Secrète comme un nid qui gémit dans les bois, Comme un flot lent et sourd qui coule sur des mousses, Est un concert charmant des choses les plus douces. Bonté, vertu, beauté, frais sourire, oeil de feu, Toute votre nature est un hymne vers Dieu. Il semble, en vous voyant si parfaite et si belle, Qu'une pure musique, égale et solennelle, De tous vos mouvements se dégage en marchant. Les autres sont des bruits, vous, vous êtes un chant ! Victor HUGO