Lorsque je vous dépeins cet amour sans mélange,
Cet amour à la fois ardent, grave et jaloux,
Que maintenant je porte au fond du cœur pour vous,
Et dont je me raillais jadis, ô mon jeune ange,Rien de ce que je dis ne vous paraît étrange,
Rien n’allume en vos yeux un éclair de courroux ;
Vous dirigez vers moi vos regards longs et doux,
Votre paleur nacrée en incarnat se change.
Il est vrai, dans la mienne, en la forçant un peu,
Je puis emprisonner votre main blanche et frêle,
Et baiser votre front si pur sous la dentelle :
Mais ce n’est pas assez pour un amour de feu ;
Non, ce n’est pas assez de souffrir qu’on vous aime,
Ma belle paresseuse ! il faut aimer vous-même.
Théophile GAUTIER