Chacun donne à celle qu' il aime les plus beaux noms et les plus doux ; pour moi, c' est ton nom de baptême que je préfère encore à tous. Simple et tendre à dire, il me semble pour te désigner le seul bon, et toutes les douceurs ensemble, je te les murmure en ce nom. La mélodie en est divine ; tu sais le contre-coup soudain qu' on sent au creux de la poitrine quand la main rencontre la main ; hé bien ! Je sens, quand il résonne au milieu d' un monde étranger, comme au toucher de ta personne, cet étouffement passager. Toute autre femme qui le signe l' usurpe à mes yeux, et pourtant, si peu qu' elle m' en semble digne, elle m' attire en le portant ; pour moi ton image s' y lie et prête son reflet trompeur à ton homonyme embellie ; je crois l' aimer, mais sois sans peur : je ne pourrais t' être infidèle avec des femmes de ce nom, car ta grâce en mon coeur s' y mêle, grâce inséparable d' un son ; et quel autre nom de maîtresse effacerait ce mot vivant dont la musique enchanteresse me fait redevenir enfant ? Comme les passereaux accourent à l' appel câlin du charmeur, à ce nom bien-aimé m' entourent mes premiers rêves de bonheur ; et dans l' âge où l' amour se sèvre, en deuil des printemps révolus, j' aurai sa caresse à la lèvre quand les baisers n' y seront plus.Sully PRUDHOMME